Le déremboursement de l’homéopathie qui se profile est un coup dur pour des entreprises comme Boiron, mais aussi sur le moral des salariés très attachés à leur entreprise.
La question a fini par l’agacer. On avait essayé de l’amener prudemment, de revenir à la charge délicatement, imaginant l’accusation suffisamment violente pour affecter un homme qui a consacré toute sa vie à une « science » brusquement rapportée au statut d’attrape-nigaud, un entrepreneur qui a investi (et gagné) des millions d’euros dans la production de « médicaments » homéopathiques qu’une cohorte de médecins jugent aussi efficaces que des dragées de mariage.
Alors, qu’est-ce que cela fait d’être traité de charlatan ? Christian Boiron n’a pas cillé, l’esquisse de sourire est restée affichée sur le visage fin, le regard clair a gardé son étincelle. Mais il a rajusté le col de son polo bleu ciel avant de pencher le buste plus avant vers le bureau : « Je vous ai déjà dit que je suis le plus heureux des hommes, que ces insultes ne m’affectent pas… Si vous me posez encore une fois la question, je m’en vais… Qui parle de charlatan ? Je pourrais répondre que ce sont des connards. Mais il faut avoir de la considération pour soi afin d’en avoir pour les autres, et c’est mon cas. Ce n’est pas la première fois que l’on nous attaque, le seul changement, c’est la violence des propos. »
Face à lui, dans son cadre doré qui jure un peu avec le décor moderne et froid de la pièce, le portrait à l’huile d’un homme à moustache anglaise et barbichette lance un œil vaguement las sur ce monde. C’est Léon Vannier, médecin homéopathe qui, en 1926, avait fait passer la pharmacopée de l’artisanat des officines à la fabrication industrielle en créant les Laboratoires homéopathiques de France.